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vendredi 19 juillet 2019

Juin 2019 : "Parasite" de Bong Joon-Ho (2019)


Au chômage mais soudée, la famille Ki-taek habite dans un entresol misérable et vit d’expédients. Jusqu’au jour où le fils, bardé d’un faux diplôme et recommandé par un copain, se fait engager par un couple fortuné pour donner des cours à leur fille adolescente. Les Park habitent dans une grande et luxueuse propriété, avec jardin, gouvernante, yorkshires et tout le toutim.
Un à un, chacun des trois autres membres de la famille Ki-taek va, comme le fils, réussir à se faire embaucher par les Park sous de fausses identités. Mais la cohabitation est périlleuse pour les infiltrés, le moindre dérapage de leur part pouvant entraîner la révélation de leurs impostures.

Parasite est le septième long-métrage de Bong Joon-Ho. Ce réalisateur sud-coréen s’est distingué dans différents genres : un polar inspiré de l’histoire réelle d’un tueur en série (Memories of a Murder, 2003), un mélo social (Mother, 2009), un thriller de science-fiction adapté d’une BD française (SnowPiercer, le Transperceneige, 2013)…

Film à la mise en scène détonante et au ton satirique, Parasite fraye lui-même avec différents genres : la fable sociale, la comédie, le thriller, et même le fantastique. C’est une sorte mix entre les comédies italiennes féroces des années 70, comme Affreux, sales et méchants (1), et les délires virtuoses américains de Quentin Tarantino ou des frères Coen.

On peut préférer l’approche de ces derniers, qui n’ont pas la prétention de véhiculer du fond.
Avant de devenir un auteur-réalisateur star de son pays et un chouchou de la critique internationale, Bong Joon-Ho a fait des études de sociologie, et cela se voit dans le scénario de Parasite, qu’il a co-écrit.
Un scénario malin, dans sa forme comme dans son fonds. Le fonds, qui repose sur la fracture entre les riches et les pauvres en Corée du Sud, parle facilement aux spectateurs de notre monde globalisé.
Le film est clairement du côté des Ki-taek… qui ne manifestent pourtant aucune solidarité avec plus pauvres qu’eux. Quant aux Park, ils sont mesquins et lâches.
Une des ruses du scénario, c’est que les sous-prolétaires sont des intellectuels (surtout le fils Ki-taek) et des créatifs (ils répètent leurs rôles avant de « rentrer sur la scène » des Park). Les hauts-bourgeois sont des cols blancs techniciens (dans une scène, on voit M. Park à son travail) et des oisifs (Mme Park, femme au foyer), sots, superficiels et névrosés.
Certaines scènes rappellent avec légèreté et humour que les conditions de vie (tranquillité, temps, jardin) sont déterminantes pour permettre l’ouverture à l’art, à la méditation ou à la spiritualité.

L’action se déroule principalement dans la villa des Park (2). Quelques séquences rompent avec le côté un peu théâtral du film, comme celle à la fin, dans le quartier des Ki-taek, où l’on voit, sous une pluie torrentielle, un enchevêtrement impressionnant de câbles suspendus entre les immeubles. Il y a même quelques plans de foule, dans une scène d’inondation.

Bref, ce film à l’humour noir, présentant une histoire truculente de revanche sociale avec ce qu’il faut de violence et d’amoralité pour être dans l’air du temps, est bien parti pour devenir un film-culte. Il a d’ores et déjà obtenu la Palme d’Or au festival de Cannes, et lorsque je l’ai vu, la salle (pleine) a applaudi à la fin.


(1) Ettore Scola, 1976.
(2) Le film aurait pu figurer dans l’article « Derrière la façade », consacré à la maison au cinéma, in Choisir Janvier-Mars 2019.

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