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lundi 2 janvier 2017

Septembre 2016 : "Le Pape François" de Beda Docampo Feijóo / "Les Pépites" de Xavier de Lauzanne

Ana, une jeune journaliste espagnole, est envoyée pour la première fois au Vatican pour couvrir le conclave de 2005. A cette occasion, elle noue une relation amicale avec le cardinal Jorge Mario Bergoglio, qui sera élu pape au conclave suivant, convoqué suite au renoncement de Benoît XVI. Le Pape François évoque la jeunesse de Jorge à Buenos Aires : en 1953, quand se décide sa vocation sacerdotale, ou plus tard, lorsque jeune séminariste, il résiste à l’attrait d’une rencontre amoureuse. On voit ensuite le Padre Jorge, dans les années 70 durant la dictature, prendre des risques pour exfiltrer un homme, et dans les années 90, poursuivre un travail de charité de proximité dans les villas (les bidonvilles) de Buenos Aires, où il est très aimé, alors qu’il est devenu évêque de la capitale. La dernière partie du film est dominée par les deux conclaves à Rome auxquels a participé Son Éminence (il ne voulait pas qu’on l’appelle ainsi). Au fil de ces tranches de vie, se dessine le portrait d’un homme exceptionnel : humble, travailleur, chaleureux, généreux, qui a toujours tenu à garder une vie simple et proche des pauvres. Un grand homme d’Eglise, notre très saint Père.
Ecrit et réalisé par l’hispano-argentin Beda Docampo Feijóo, le Pape François est un film que j’ai vu avec intérêt, mais qui pèche formellement par trop de sagesse et une absence de point de vue.
Le projet lui-même - proposer un film biographique sur un personnalité contemporaine, si présente dans l’esprit des spectateurs - paraît périlleux : dès qu’apparaît à l’écran l’acteur argentin (Dario Grandinetti) qui incarne le pape adulte, on ne peut s’empêcher de le comparer avec son modèle, une personnalité si charismatique, dotée d’une sacrée présence physique.
Quant au problème du point de vue, il est lié au scénario, basé sur le best-seller (1) d’une journaliste argentine, correspondante au Vatican. L’auteur-réalisateur, scénariste de son état, a choisi de garder le personnage d’une journaliste comme narrateur externe. D’où l’impression d’agrégation d’informations journalistiques rapportées avec une certaine superficialité. A ce sujet, les premières scènes font craindre le pire : Ana fait une visite guidée de la cathédrale de Buenos Aires avec sa fille. On croit qu’on va assister à une biographie au rabais, du type « Le Pape François pour les Nuls ». Le fait de vouloir embrasser 60 ans d’une vie bien remplie n’arrange rien : le récit - construit selon des repères chronologiques un peu laborieux, voire confus - glisse un peu sur tout, les faits, les personnages… Heureusement, quelques séquences réussissent à donner un peu d’épaisseur au film : la scène de mariage où le jeune Jorge flashe sur une beauté irrésistible (à part pour un futur saint !) ; celle d’un face à face avec un dirigeant argentin menaçant.
La mise en scène est honorable mais sans grand intérêt. Beda Docampo Feijóo a notamment du mal à tirer de l’émotion de l’actrice espagnole Silvia Abascal, qui joue Ana.

En 1995, cadre de l’entreprise IBM en préretraite, Christian des Pallières est recruté pour diriger le bureau local d’une ONG française à Phnom-Penh : pendant deux ans, il va développer l’aide pédagogique auprès des écoles du Cambodge. Choqué par le nombre d’enfants des rues de la capitale, il décide d’aller à leur rencontre. C’est alors qu’il découvre la décharge à ciel ouvert où ils sont nombreux à venir tous les jours. Sur un immense terrain d’ordures fumantes, dans une odeur pestilentielle et au milieu de myriades de mouches, des centaines d’enfants de six à quinze ans fouillent dans les ordures. En loques, couverts de plaies infectées, un grand sac crasseux sur le dos et pieds nus dans les ordures dans lesquelles ils s’enfoncent jusqu’aux genoux, ils cherchent des bouts de plastique ou de métal à récupérer. Ils cherchent aussi à se nourrir, car aucun d’eux n’a mangé depuis la veille. Christian des Pallières et son épouse Marie-France décident alors de les aider à sortir de cet enfer, en commençant par installer une « paillote » au pied de la décharge pour offrir un repas, de quoi se laver et les premiers soins. Deux ans plus tard, le couple crée une école pour les petits chiffonniers, à 1 km de la décharge. Grâce au travail de l’association qu’ils créent - Pour un sourire d’enfant -, dix mille enfants ont aujourd’hui accédé à l’éducation et ont pu embrasser un destin qui ne leur était pas réservé d’avance…
Ayant réalisé des films sur une association humanitaire créée par mon père pour aider les chiffonniers du Caire, je sais qu’il y avait mille façons d’aborder un sujet comme celui des Pépites. La bande-annonce me faisait redouter un film promotionnel à budget confortable et effets racoleurs. Or ce documentaire réussi et touchant évite beaucoup d’écueils, comme celui du catalogue sans âme des programmes mis en place, ou celui du commentaire laudatif sur l'énergie qu’il a fallu déployer. « J’avais envie de faire un film qui, sur un sujet aussi fort, ne défende aucune cause, aucune idéologie, aucune analyse, mais expose un enchaînement de faits, à partir de la rencontre d’un homme et d’une femme, jusqu’à la création d’une œuvre humaine éblouissante » dit Xavier de Lauzanne. « Les Pépites n’est pas un reportage. On raconte tout simplement une histoire en utilisant un langage sensoriel et chaque spectateur en tire sa propre réflexion ».

Une « philosophie de vie » se dégage pourtant des Pépites : c’est celle exprimée par M. des Pallières, invitant à l’aventure. C’est d’ailleurs ce que promet l’affiche du film : « Une aventure humaine extraordinaire ». Une aventure où la rencontre avec l'autre est primordiale et qui engage l'être dans toutes ses dimensions :
- Les sens : paradoxalement, le fondateur dit regretter quelque part la disparition de la décharge, dont la puanteur et la saleté avaient provoqué le « haut-le-cœur » déclencheur (2).
- Le cœur précisément : les des Pallières ont vécu au cœur du centre qu’ils ont créé et sont appelés « Papy » « Mamy » par des enfants ayant grand besoin d’un lien affectif. « C’est rare de rencontrer au sein d’une institution, l’existence d’un lien aussi fort », remarque très justement le réalisateur.
- L’intelligence et la volonté : les deux sexagénaires les ont mises au service de leurs « prochains ».
- Reste la dimension spirituelle, totalement absente, du moins non explicite. Mais Jésus a dit : « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns pour les autres. (3) »

L’impact du documentaire tient en grande partie à la retenue de ses protagonistes : celle des bénéficiaires, propre à ceux qui ont enduré de grandes souffrances ; celle du couple fondateur, qui fait preuve de pudeur dans sa manière de se raconter. Leurs témoignages n'en deviennent que plus émouvants.

(1) « Francisco, Vida y Revolucion » d’Elisabetta Piqué (2013)
(2) Les images d’archives des débuts sont particulièrement bouleversantes.
(3) Evangile selon saint Jean, 13, 35. 

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