Ana, une jeune journaliste espagnole, est envoyée pour la
première fois au Vatican pour couvrir le conclave de 2005. A cette occasion,
elle noue une relation amicale avec le cardinal Jorge Mario Bergoglio, qui sera
élu pape au conclave suivant, convoqué suite au renoncement de Benoît XVI. Le
Pape François évoque la jeunesse de Jorge à Buenos Aires : en 1953, quand
se décide sa vocation sacerdotale, ou plus tard, lorsque jeune séminariste, il
résiste à l’attrait d’une rencontre amoureuse. On voit ensuite le Padre Jorge,
dans les années 70 durant la dictature, prendre des risques pour exfiltrer un
homme, et dans les années 90, poursuivre un travail de charité de proximité
dans les villas (les bidonvilles) de Buenos Aires, où il est très aimé, alors
qu’il est devenu évêque de la capitale. La dernière partie du film est dominée
par les deux conclaves à Rome auxquels a participé Son Éminence (il ne voulait
pas qu’on l’appelle ainsi). Au fil de ces tranches de vie, se dessine le
portrait d’un homme exceptionnel : humble, travailleur, chaleureux,
généreux, qui a toujours tenu à garder une vie simple et proche des pauvres. Un
grand homme d’Eglise, notre très saint Père.
Ecrit et réalisé par l’hispano-argentin Beda Docampo Feijóo,
le Pape François est un film que j’ai vu avec intérêt, mais qui pèche
formellement par trop de sagesse et une absence de point de vue.
Le projet lui-même - proposer un film biographique sur un
personnalité contemporaine, si présente dans l’esprit des spectateurs - paraît
périlleux : dès qu’apparaît à l’écran l’acteur argentin (Dario
Grandinetti) qui incarne le pape adulte, on ne peut s’empêcher de le comparer
avec son modèle, une personnalité si charismatique, dotée d’une sacrée présence
physique.
Quant au problème du point de vue, il est lié au scénario,
basé sur le best-seller (1) d’une
journaliste argentine, correspondante au Vatican. L’auteur-réalisateur,
scénariste de son état, a choisi de garder le personnage d’une journaliste
comme narrateur externe. D’où l’impression d’agrégation d’informations
journalistiques rapportées avec une certaine superficialité. A ce sujet, les
premières scènes font craindre le pire : Ana fait une visite guidée de la
cathédrale de Buenos Aires avec sa fille. On croit qu’on va assister à une
biographie au rabais, du type « Le Pape François pour les Nuls ». Le
fait de vouloir embrasser 60 ans d’une vie bien remplie n’arrange rien :
le récit - construit selon des repères chronologiques un peu laborieux, voire
confus - glisse un peu sur tout, les faits, les personnages… Heureusement,
quelques séquences réussissent à donner un peu d’épaisseur au film : la
scène de mariage où le jeune Jorge flashe sur une beauté irrésistible (à part
pour un futur saint !) ; celle d’un face à face avec un dirigeant
argentin menaçant.
La mise en scène est honorable mais sans grand intérêt. Beda
Docampo Feijóo a notamment du mal à tirer de l’émotion de l’actrice espagnole
Silvia Abascal, qui joue Ana.
En 1995, cadre de l’entreprise IBM en préretraite, Christian
des Pallières est recruté pour diriger le bureau local d’une ONG française à
Phnom-Penh : pendant deux ans, il va développer l’aide pédagogique auprès
des écoles du Cambodge. Choqué par le nombre d’enfants des rues de la capitale,
il décide d’aller à leur rencontre. C’est alors qu’il découvre la décharge à
ciel ouvert où ils sont nombreux à venir tous les jours. Sur un immense
terrain d’ordures fumantes, dans une odeur pestilentielle et au milieu de
myriades de mouches, des centaines d’enfants de six à quinze ans fouillent dans
les ordures. En loques, couverts de plaies infectées, un grand sac crasseux sur
le dos et pieds nus dans les ordures dans lesquelles ils s’enfoncent jusqu’aux
genoux, ils cherchent des bouts de plastique ou de métal à récupérer. Ils
cherchent aussi à se nourrir, car aucun d’eux n’a mangé depuis la veille.
Christian des Pallières et son épouse Marie-France décident alors de les aider
à sortir de cet enfer, en commençant par installer une « paillote »
au pied de la décharge pour offrir un repas, de quoi se laver et les premiers
soins. Deux ans plus tard, le couple crée une école pour les petits
chiffonniers, à 1 km de la décharge. Grâce au travail de l’association qu’ils
créent - Pour un sourire d’enfant -, dix mille enfants ont aujourd’hui accédé à
l’éducation et ont pu embrasser un destin qui ne leur était pas réservé
d’avance…
Ayant réalisé des films sur une association humanitaire
créée par mon père pour aider les chiffonniers du Caire, je sais qu’il y avait
mille façons d’aborder un sujet comme celui des Pépites. La bande-annonce me
faisait redouter un film promotionnel à budget confortable et effets racoleurs.
Or ce documentaire réussi et touchant évite beaucoup d’écueils, comme celui du
catalogue sans âme des programmes mis en place, ou celui du commentaire
laudatif sur l'énergie qu’il a fallu déployer. « J’avais envie de
faire un film qui, sur un sujet aussi fort, ne défende aucune cause, aucune
idéologie, aucune analyse, mais expose un enchaînement de faits, à partir de la
rencontre d’un homme et d’une femme, jusqu’à la création d’une œuvre humaine
éblouissante » dit Xavier de Lauzanne. « Les Pépites n’est
pas un reportage. On raconte tout simplement une histoire en utilisant un
langage sensoriel et chaque spectateur en tire sa propre réflexion ».
Une « philosophie de vie » se dégage pourtant des
Pépites : c’est celle exprimée par M. des Pallières, invitant à
l’aventure. C’est d’ailleurs ce que promet l’affiche du film : « Une
aventure humaine extraordinaire ». Une aventure où la rencontre avec
l'autre est primordiale et qui engage l'être dans toutes ses dimensions :
- Les sens : paradoxalement, le fondateur dit regretter
quelque part la disparition de la décharge, dont la puanteur et la saleté
avaient provoqué le « haut-le-cœur » déclencheur (2).
- Le cœur précisément : les des Pallières ont vécu au cœur
du centre qu’ils ont créé et sont appelés « Papy » « Mamy »
par des enfants ayant grand besoin d’un lien affectif. « C’est rare de
rencontrer au sein d’une institution, l’existence d’un lien aussi fort »,
remarque très justement le réalisateur.
- L’intelligence et la volonté : les deux sexagénaires
les ont mises au service de leurs « prochains ».
- Reste la dimension spirituelle, totalement absente, du
moins non explicite. Mais Jésus a dit : « A ceci tous
reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns
pour les autres. (3) »
L’impact du documentaire tient en grande partie à la retenue
de ses protagonistes : celle des bénéficiaires, propre à ceux qui ont
enduré de grandes souffrances ; celle du couple fondateur, qui fait preuve
de pudeur dans sa manière de se raconter. Leurs témoignages n'en deviennent que
plus émouvants.
(1) « Francisco,
Vida y Revolucion » d’Elisabetta Piqué (2013)
(2) Les
images d’archives des débuts sont particulièrement bouleversantes.
(3) Evangile
selon saint Jean, 13, 35.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire