En Judée, en l’an 33, une centurie romaine menée par
Clavius, un tribun militaire, vainc un groupe de rebelles hébreux mené par un
certain Barrabas. A peine revenu à Jérusalem, Clavius est convoqué par Ponce
Pilate : le préfet l’envoie surveiller le déroulement, au-delà des
remparts, de la crucifixion d’un Nazaréen nommé Yeshua. Poussé par le Sanhédrin
et le grand prêtre Caïphe, Pilate demande aussi à Clavius de s’assurer que le
cadavre de celui qui s’était présenté comme le Messie libérateur du peuple juif
ne soit escamoté par ses disciples dans le but de faire croire à la réalisation
de sa résurrection annoncée. Si bien que lorsque le tombeau est retrouvé ouvert
et vide, et que des rumeurs d’apparitions commencent à circuler, Clavius est
sommé de retrouver le corps au plus vite. Il s’agit de maintenir l’ordre
impérial. Coutumier de la violence, totalement étranger au monothéisme juif, le
tribun va mener l’enquête, et progressivement être transformé par ce qu’il
découvre.
La lecture des Evangiles m’a souvent donné envie d’en
adapter tel ou tel passage au cinéma. A défaut d’avoir abouti, l’exercice m’a
toujours paru bénéfique : se plonger dans une « scène » en
révèle certains aspects qui échappent à une lecture moins
« incarnée ». Je suis donc toujours intéressé par les tentatives de
réalisateurs qui s’inspirent avec respect des Evangiles. De nos jours, elles
sont rares : The Passion of the Christ de Mel Gibson date déjà d’il y a 12
ans.
Risen (La Résurrection du Christ), de Kevin Reynolds,[1] n’est
certes pas un grand film. Certaines scènes sont balourdes… mais d’autres m’ont
ému aux larmes. Et le point de vue est pertinent : celui d’un païen ignorant
tout du message biblique. Clavius (bien interprété par le britannique Joseph
Fiennes, le frère de Ralph) se retrouve « embeddé » au
groupe de disciples pourchassés. Déboussolé par ce qu’il voit, il interroge
Pierre, qui lui répond : « I haven’t every answer. We’re astounded too
(…) We are followers : we follow to find out. » En français, le
terme « sectateur » traduit mieux que « disciple » l’humble
abandon de celui qui, dépassé, suit le Bon Berger.
Pour un croyant, qui peut avoir tendance à considérer la
Révélation comme allant de soi, la vision proposée par Risen est
revivifiante ; pour les incrédules, elle est recevable… même en France, où
il a fallu quand même que Sony insiste auprès de sa filiale pour que le film
soit distribué en salles. Car Risen est un des faith-based films
produits chaque année aux Etats-Unis par une société créée en 2008 par Sony
pour cibler les chrétiens : Affirm Films.
Vincent est un adolescent qui vit seul avec sa mère, Marie
(Natacha Régnier), à Paris. « Tu n’as pas de père » est la
réponse qu’il obtient systématiquement lorsqu’il l’interroge sur l’identité de
son géniteur. Alors il passe du temps dans sa chambre, à broyer du noir
face à une reproduction du Sacrifice d’Isaac, du Caravage. Un jour, en
fouillant dans les affaires de sa mère, il trouve une lettre retournée à
l’expéditrice par un certain Oscar (Mathieu Amalric), qui l’avait quittée suite
à son refus d’avorter. Vincent retrouve le maroufle : c’est un éditeur en
vue, cynique et égoïste. Il s’introduit dans ses bureaux, dans l’intention de
l’égorger. Mais sa rencontre avec le frère d’Oscar - Joseph (Fabrizio Rongione)
-, un homme bon, désargenté et généreux, va ensoleiller son existence...
Le Fils de Joseph est le sixième film d’Eugène Green,
un réalisateur au style singulier, entre Robert Bresson et Eric Rohmer, avec
une touche d’humour en plus. Ses comédiens disent leur texte d’une voix blanche
en marquant toutes les liaisons, même les plus indues ! Green se moque des bobos parisiens,
du milieu littéraire germanopratin (Maria de Medeiros joue une critique aussi
snobe qu’ignorante), et de l’überisation des mentalités (un jeune
tente d’associer Vincent à son « business très rentable » de
vente de sperme, « un travail moderne, artisanal, écologique »). Le
ton combine cette ironie et une naïveté assumée. Le substrat chrétien affleure
non seulement à travers les noms de certains personnages et les titres des cinq
chapitres, tirés des Écritures (Le sacrifice d’Abraham, Le veau d’or etc), mais
aussi via la lumière sur laquelle le film débouche avec grâce : une
espérance fondée la reconnaissance des signes divins. Comme Vincent fait part
de sa perplexité devant le sacrifice demandé à Abraham, Joseph répond : « C’était
la voix de son orgueil. - Et la voix de l’ange ? - C’était la voix de
Dieu. - Comment fait-on pour être bon ? - Il faut écouter la voix de Dieu.
- Mais où est-il ? - Il est en nous. Il nous dit d’aimer. »
« Je trouve qu’aujourd’hui le gens se complaisent dans
le désespoir » dit Marie. « Plutôt dans le cynisme », lui
répond Joseph. « Ils ne savent même pas qu’ils sont désespérés. » Le
Fils de Joseph témoigne ainsi d’un esprit de résistance spirituelle et
esthétique. D’ailleurs, lors de l’épisode final de « La Fuite en
Egypte » aux abords des plages normandes, la famille recomposée - Marie,
Joseph et Vincent - croise un habitant du coin, qui va leur prêter son
âne ; comprenant immédiatement qu’il a affaire à des fugitifs, il leur
enjoint, de façon mystérieuse : « Résistez ».
(1) Qui
a réalisé notamment Robin Hood (1991) et Waterworld (1995),
tous deux avec Kevin Costner.
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