Quelque part dans le Midwest
américain, dans un futur proche. Le climat a été tellement déréglé qu’aucune
production agricole n’est plus possible. L’humanité est menacée d’extinction. Heureusement
la NASA veille ; en particulier le Professeur Brand (Michael Caine), qui à
force d’écrire des formules mathématiques sur de grands tableaux noirs, a
découvert le moyen de tirer parti d’une faille repérée dans l’espace-temps :
un « trou de ver ». Cooper (Matthew McConaughey), un cul-terreux qui
a eu été pilote pour la NASA, est choisi, grâce aux pouvoirs extrasensoriels de
sa fille Murphy (Jessica Chastain), pour diriger la mission spatiale de la
dernière chance. Menant une poignée d’explorateurs, deux robots monolithiques et
quelques embryons congelés, Cooper vise le fameux trou noir. Ingénieux
raccourci qu’Einstein avait conjecturé, et qui permettra au vaisseau de quitter
le système solaire pour aller visiter des exoplanètes. L’objectif est d’en
trouver une assez hospitalière pour y établir une colonie et/ou y faire venir quelques Terriens.
Cooper va devoir choisir entre revoir ses enfants et sauver l’humanité. Tatataa ! Grosse
musique de l’incontournable Hans Zimmer.
Memento, la trilogie Batman,
Inception : je n’ai vu aucun des films connus de Christopher Nolan. Je suis
allé voir Interstellar parce que j’avais
aimé Le Prestige, une histoire de
rivalité entre deux magiciens, où le réalisateur affirmait avec brio ses
qualités d’illusionniste du cinéma. Là, dans une salle archicomble (95% de gars
de moins de 26 ans), après une demi-heure de pubs Haribo et Cie et près de 3h de pompiérisme astral, j’ai été pour le
coup sidéré d’ouïr quelques
applaudissements. Comme les frères Wachowski[1],
les frères Nolan aiment faire les malins. Or leur scénario débile est si
présent qu’il mange tout : aucune poésie, aucun espace (!) pour nous. On
aurait aimé vivre ces situations
spéculées à partir d’hypothèses scientifiques ; profiter de ces vagues hautes comme des montagnes, qui menacent
d’engloutir le vaisseau. Mais non, on ne nous laisse rien sentir, on nous
impose/expose constamment le fonctionnel d’un scénario formaté/rabâché. Et
forcément tous les (bons) comédiens sont mauvais…
Le réalisateur britannique, très
tôt attiré par les sirènes hollywoodiennes, a baptisé le vaisseau Endurance, du même nom que celui de Sir
Ernest Shackleton lors de son expédition en Antarctique il y a un siècle :
le décalage entre un héroïsme de synthèse indigeste et un héroïsme réel
prodigieux est symptomatique de l’effet d’écart… interstellaire protéiforme que
produit ce film-évènement.
Paradise Lost commence par la fin de son histoire, une nuit de 1991,
en Colombie. Pablo Escobar, le célèbre trafiquant de cocaïne à la tête du
cartel de Medellin, donne un signal de départ à ses sicarios. Puis il sort en short dans les bois appeler sa mère avec
un téléphone satellite : «Je voulais
prier avec toi - Commence.
Il s’agenouille, fais le signe de croix : - Demain je pars en prison. J’ai
peur que Tu m’abandonnes, Seigneur, que Tu ne comprennes pas mes actes. Je te
rappelle que tout ce que je fais, c’est par amour pour ma famille, pour la
protéger de tout mal et de tout danger. » Il met le combiné devant son
visage : « Sainte Marie, priez
pour nous, pauvres pécheurs… » La prière continue de résonner alors
qu’on se retrouve de jour, dans une église où Nick, un jeune Américain en sueur,
attend Maria, son amour. Le voilà embarqué dans une voiture, de nuit. On lui enlève
son bandeau : les phares balaient des dizaines d’hommes alignés devant un
bâtiment. Sur la porte qui se referme derrière Nick, une croix rudimentaire. Le
jeune homme au regard timide et aux traits juvéniles se retrouve parmi des
tueurs qui attendent en silence. Une porte s’ouvre, tous se lèvent. C’est
Escobar, en short : « Selon un
accord conclu avec le gouvernement, demain je me rends aux autorités. Je
resterai en prison pendant un moment jusqu’à ce que la situation se tasse. Je
vous ai fait venir parce que j’ai besoin de l’aide des gens en qui j’ai le plus
confiance. Nous devons dissimuler nos ressources financières à nos
ennemis. »
Le film raconte ensuite l’histoire
de Nick, venu en Colombie quelques années auparavant monter avec son frère un
camp de surf. Il tombe amoureux de Maria… qui s’avère être la nièce d’Escobar.
Rappelant le très bon The Last King of Scotland (2006) sur Idi
Amin Dada, Paradise Lost nous fait entrer
dans le cercle des intimes d’un psychopathe à travers le personnage d’un jeune
étranger naïf qui n’en a jamais entendu parler : « On aide les communautés pauvres », lui dit Maria. - Qui ça « on » ? - Mon
oncle. Je travaille pour lui… C’est Robin des Bois. » Effectivement, le
7ème homme le plus riche du monde en 1989 (selon le magazine Forbes) a financé la
construction d’hôpitaux, de routes, de milliers de maisons.
Andrea di Stefano, acteur italien
qui signe sa première mise en scène, sait nous entraîner dans un autre monde,
sans théorie quantique ni mythification : il utilise les ressources du
mixage, de son personnage (girafes et éléphants déambulent en arrière-plan,
dans son hacienda), de la photo (d’une sensualité exceptionnelle), et de ses
comédiens Benicio del Toro et Josh Hutcherson[2]
(très convaincants).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire