Envie d’un film sans sexe ni
violence, sans choc ni esbroufe ? Allez voir Ilo Ilo, du Singapourien
Anthony Chen. Pas étonnant qu’au festival de Cannes ce film humble
et délibérément simple ait séduit Agnès Varda[1],
qui présidait le jury de la Caméra d’Or, un prix récompensant le meilleur
premier film toutes sections confondues.
Ilo Ilo nous introduit dans le
quotidien d’une famille de la classe moyenne Singapourienne à la fin du siècle
dernier. Le père et la mère travaillent dur, mais leurs emplois sont menacés
par la crise économique. Jiale, le fils unique de 11 ans, se conduit en gosse
insupportable. Dépassés (d’autant que la mère est enceinte), les parents
embauchent une jeune Philippine, Teresa, pour « gérer » leur gamin en
leur absence. Le film est la chronique du rapprochement progressif de la
domestique et du sauvageon. Ce rapprochement n’a rien de factice, car il est dicté
initialement par la nécessité : la nounou dort dans la chambre du garçon,
par terre ; et celui-ci a beau faire des histoires, elle ne veut pas
d’histoire avec ses patrons, car elle sait son statut précaire (son passeport
lui a été confisqué et son renvoi signifierait le retour aux Philippines). La
bonne est donc bien obligée d’apprivoiser le diablotin. Mais elle le fait sans hypocrisie.
Dès lors, entre le garçon délaissé et la jeune fille exploitée (qui a dû
laisser son propre bébé au pays), des liens se tissent, qui se muent en profonde
affection mutuelle, au grand dam de la mère, bientôt jalouse de leur
complicité.
De facture classique, Ilo Ilo est
un film honnête et touchant, à l’intrigue minimaliste et aux personnages non
idéalisés. Plusieurs scènes nous font pressentir un pic dramaturgique
(maltraitance ? accident grave ?), mais la tension est désamorcée en
douceur et se résout finalement en petit incident domestique. Cette
dédramatisation systématique (marquée également par l’absence de musique)
exclut le film du genre mélodramatique. « Beaucoup
de films sont accrochés à leur intrigue et à sa construction », dit Anthony
Chen. « Pour moi les détails disent
autant sur l’humanité que de grands événements. C’est comme ça que je vois mon
cinéma ». Et d’expliquer la teneur autobiographique de son premier
long-métrage : Ilo Ilo est le nom d’une province des Philippines d’où
venait la bonne, Teresa, qui a vécu 8 ans au sein de sa famille. « Je me suis rappelé à quel point
j’étais triste quand elle est partie. J’ai pleuré, pleuré, pleuré, et c’est une
émotion que je trouvais intéressante pour commencer » … et qui donnera lieu
à une scène toute en finesse et retenue, servie par la justesse du jeu des
acteurs Koh Jia Ler et Angeli Bayani.
« Toute la vie chrétienne est comme un pèlerinage vers la maison
du Père », écrivait Jean-Paul II il y a près de 20 ans[2].
« Ce pèlerinage concerne la vie
intérieure de chaque personne, il implique la communauté croyante et inclut
l'humanité entière. »
Dans The Way – La Route Ensemble,
Tom (Martin Sheen), un ophtalmologiste californien proche de la retraite,
apprend que son fils Daniel a été foudroyé dans les Pyrénées alors qu'il
entamait le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Tom traverse
l’Atlantique pour identifier le corps de ce fils unique dont il s’était éloigné.
A Saint-Jean-Pied-de-Port, le vieil homme affligé décide d’accomplir le
pèlerinage de son fils en portant son sac à dos… et ses cendres dans une boîte.
Sur la route, Tom rencontre Joost (un Hollandais), Sarah (une Canadienne), et
Jack (un Irlandais), qui cheminent pour respectivement perdre du poids, arrêter
de fumer et retrouver l’inspiration (!). Au fil de la marche, les quatre
pèlerins vont progressivement se rapprocher et révéler leurs blessures
personnelles, leurs manques.
Sans sexe ni violence, sans choc
ni esbroufe, The Way est malheureusement aussi sans intérêt. Ici la
simplicité n’est pas un choix esthétique, car le film est dénué de choix
esthétique. En dépit d’un argument prometteur, il se révèle inconsistant et
l’on s’ennuie pendant plus de deux heures.
Une réplique donne une idée de
l’indigence du propos : alors qu’il marche aux côtés d’un prêtre new
yorkais qu’il vient de rencontrer, Tom demande « Mon Père, est-ce que vous croyez aux miracles ? - Je
suis un prêtre, ça fait partie de mon boulot ».
Personne ne semble mû par la foi.
« Le film montre que chacun doit
affronter ses blessures et prendre soin de lui-même », explique Martin
Sheen. Dont acte. Cela correspond bien au côté New Age des références citées (Paulo Coelho) et de la musique
originale (filet de voix « céleste » sur nappes de synthé). La musique
est par ailleurs omniprésente, avec des séquences « clipesques »
égrenant un chapelet de standards folk-rocks : James Taylor, Nick Drake,
Alanis Morissette, Coldplay…
Scénario pataud, personnages
fades, mise en scène démonstrative : l’intention principale d’Emilio Estevez
se situe probablement hors du cinéma, au plan de la transmission filiale.
Inspiré par son fils (qui a rencontré sa femme lors d’un pèlerinage… en voiture !),
Estevez a dédié The Way à son grand-père (originaire d’un village situé à 60 km
de Saint-Jacques-de-Compostelle), et y a dirigé son père Martin Sheen (le seul
catholique pratiquant de la famille). D’après ce dernier, le nombre de pèlerins
américains aurait doublé depuis la sortie du film.
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