En 1995 en Afrique du Sud, les
lois de l’apartheid ayant été abolies trois ans auparavant, l’archevêque
anglican Desmond Tutu est nommé par le nouveau président Nelson Mandela à la
tête de la Commission vérité et réconciliation, dont la mission est de solder
des décennies de ségrégation raciale. Il s’agit de sillonner le pays pour
récolter les témoignages des victimes et des oppresseurs, afin de recenser les
violations des droits de l'homme commises de 1960 à 1963 et d'éclaircir
les crimes et exactions politiques commis au nom du gouvernement sud-africain ou
des mouvements de libération nationale. La spécificité du processus était de
garantir une amnistie pleine et entière des crimes commis en échange
de leur confession publique.
Forgiven se concentre sur l’implication personnelle de Desmond Tutu
sur deux cas particuliers (fictifs) : celui d’une femme noire qui n’a
aucune nouvelle de sa fille disparue, et surtout celui de Piet Blomfeld, un assassin
condamné à perpétuité. Cet ancien officier des forces de défense sud-africaines
et du mouvement de résistance afrikaner, écrit à l’archevêque et lui laisse
croire qu’il serait prêt à passer aux aveux. Mais il semble n’éprouver aucun
regret de ses actes, au contraire : son attitude provocatrice cherche à
déstabiliser Tutu en le faisant douter de la pertinence du processus national dans
lequel il est engagé corps et âme.
Forgiven est un film de Roland Joffé, connu notamment pour Mission (1986) qui mettait en
scène le drame de conscience de Jésuites, au XVIIIe siècle,
contraints par les autorités espagnoles et portugaises d'abandonner
leur mission auprès d’une communauté amérindienne vivant dans une
forêt tropicale.
Le réalisateur franco-britannique
s’attaque donc à nouveau à un sujet mêlant christianisme et politique, en
s’appuyant encore sur des acteurs connus : à l’époque c’était Robert de
Niro et Jeremy Irons, cette fois c’est Forest Whitaker (Le dernier roi d’Écosse en 2006, Le Majordome en 2013) pour incarner Desmond Tutu et Eric Bana (Hulk en 2003, Munich en 2005) pour le rôle de Piet Blomfeld. Mais plus de trente
ans après, la société a changé : alors que Mission avait bénéficié d’une distribution importante et avait été
couronné par une Palme d’or à Cannes, Forgiven,
film au budget bien plus modeste, pâtit d’une distribution confidentielle
et d’une critique « mainstream » dédaigneuse, voire hostile.
Pourtant j’ai beaucoup aimé ce
film. Je ne connaissais pratiquement rien à cet épisode-clé de l’histoire
sud-africaine contemporaine, et je n’avais donc aucune attente concernant son
traitement fictionnel. Le fait que le scénario se focalise, de manière assez
classique, sur un conflit précis vécu par le personnage principal, sans
embrasser la complexité des enjeux du processus mis en place par la Commission,
ne m’a pas dérangé, au contraire. J’ai été captivé par ce duel entre L’Evêque et l’Antéchrist, pour reprendre
le titre de la pièce de théâtre de Michael Ashton qu’il a lui-même adaptée pour
le film.
Forgiven a beaucoup de points communs avec un autre film
magnifique, passé inaperçu en 2006 : Longford.
Ce téléfilm anglais de Tom Hooper[1] est basé
sur l’histoire vraie, à la fin des années 60, de l'ancien ministre
britannique Lord Longford, alors visiteur de prison, qui reçoit une lettre
de l'un des criminels les plus connus du pays, Myra Hindley, condamnée à la
prison à perpétuité pour avoir participé, avec son petit ami, au meurtre de plusieurs
enfants.
Catholique fervent, Longford décide de faire confiance à cette femme
qui affiche une volonté de conversion religieuse, et il œuvre pour sa
libération conditionnelle malgré les vives critiques de la population, des tabloïds, des politiciens et même de sa
propre famille.
Pour moi, ces films sont
essentiels parce que le drame qu’ils mettent en scène est ramené à l’enjeu fondamental
de toute vie humaine, du point de vue chrétien : gagner le combat contre
les forces du mal, avec les seules armes de l’Esprit Saint. Et décidément celui-ci
souffle où il veut, tant Forgiven, réalisé
par un cinéaste agnostique, est un film édifiant.
Blomfeld est très intelligent. Et
dans ses face-à-face avec Desmond Tutu, il est tellement haineux qu’on croirait
entendre Satan s’adressant à l’homme d’Église, en voulant porter atteinte à ses
efforts pour rétablir la paix dans sa communauté. D’ailleurs, à un moment, Tutu
lui dit très justement cette parole salutaire, pour le rappeler à son
humanité : « Vous n’êtes pas un
ange déchu et je ne suis pas Dieu... nous ne sommes que des hommes ». Pas
évident d’incarner un personnage noble, croyant, dans cette situation
singulière. Forest Whitaker le fait très bien, avec subtilité. Tutu est
rarement dans la réaction mimétique. Il essaie constamment d’en appeler à la
conversion du cœur endurci de l’assassin : « Vous n’avez pas été bon jusqu’à présent, mais à partir de maintenant,
vous pouvez changer (…) Vous ne pouvez revenir en arrière ou changer votre
passé mais vous pouvez choisir là où vous allez ». Et ce qui me semble
être authentique et fascinant, c’est que dans ce duel long et éprouvant, Tutu
est très peu dans la planification stratégique, le calcul : il suit son
instinct, sa conscience. Et prie… même si on ne le voit prier qu’une seule fois,
quand il est au plus bas, assailli de doutes.
Enfin les scènes de prison sont
excellentes. La violence inouïe qui y règne est le reflet de la violence de
cette société sud-africaine à l’époque. Roland Joffé n’a fait jouer que des anciens
détenus, dont certains n’étaient sortis que six mois auparavant.
Même si sa musique est parfois un
peu lourde, Forgiven est un film palpitant
et rare parce qu’il nous présente le combat exemplaire d’un chrétien. Un homme Providentiel
pour tout un pays. C’est un film à voir alors
qu’actuellement les tensions
s’exacerbent dans nos sociétés.
Je me permets de partager ces
paroles de Jésus, extraites de L’Évangile
tel qu’il m’a été révélé[2],
découvertes alors que je viens d’achever cet article : « Un autre vous a dit : « Faites
pénitence. Purifiez-vous du feu impur de la luxure, de la fange de vos
fautes. » Moi, je vous dis : mes pauvres amis, étudions ensemble la
Loi. Réécoutons en elle la voix paternelle du Dieu vrai. Et puis ensemble
adressons à l’Éternel cette prière : « Que ta miséricorde descende
sur nos cœurs. »
[1] Le
réalisateur de Danish Girl (2015) -
voir notre critique https://www.choisir.ch/arts-philosophie/cinema/item/2626-meli-melo-sexuels
- et du Discours d’un roi (2010).
[2] La vie
de Jésus d’après les visions de l’Italienne Maria Valtorta, de 1944 à 1947.
Tome 2.
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