Pepper, 8 ans, vit dans une petite ville américaine des
années 40. « Je suis un nabot ou quoi ? » demande-t-il au
médecin qui constate année après année qu’il ne grandit pas. « Disons
que tu es un… petit bonhomme ». « Little Boy » se fait harceler
par les gosses du quartier, et n’a pas d’ami… à part son père, avec qui il
invente toutes sortes d’aventures héroïques, au cœur desquelles, au moment
critique, a invariablement lieu cet échange rituel : « - On peut y
arriver ! T’y crois ? - Oui, on peut y arriver ! J’y
crois ! »
Lorsqu’après l’attaque des Japonais à Pearl Harbour, son
frère aîné est considéré inapte à l’engagement militaire parce qu’il a les
pieds plats, son père se sent obligé de partir lui-même au front. Pepper est
anéanti. Un dimanche, à la messe, il entend le Père Oliver déclarer : « Si
vous avez de la foi gros comme un grain de moutarde, rien ne vous sera
impossible… même le retour d’un être cher ! »
Lors d’un spectacle de Ben Eagle le magicien, « Little
Boy » est appelé sur scène, et arrive à faire bouger une bouteille à
distance. « Tu as maintenant le pouvoir », lui dit Ben Eagle, « c’est
à ton tour d’accomplir l’impossible ». Puis, après avoir été entraîné par son
frère dans l’agression d’Hashimoto - un Japonais de la ville devenu persona non
grata -, Pepper se confesse au Père Oliver, et en profite pour lui demander si
la graine de moutarde peut lui donner un « super pouvoir ». Le prêtre
lui donne alors une « formule magique », inspirée du passage de
l’Evangile de Mathieu[1]
relatif à la parousie du Christ :
"- Nourris celui qui a faim, recueille le sans-abri, rend
visite aux prisonniers, couvre celui qui est nu…
- Qui est nu ?… En quoi c’est censé…
- Va voir les malades, enterre le mort… Oh, encore une
chose : pour que cette liste fonctionne parfaitement, j’ajoute un point
essentiel : sois ami avec Hashimoto.
- Mais ça va pas !? Qu’est-ce que ce Jap à avoir
là-dedans ?
- A peu près tout. Ta foi ne pourra fonctionner s’il reste
en toi le moindre sentiment de haine. A toi de voir, Pepper. »
Au cours d’un parcours initiatique tout entier tendu vers
cet objectif du retour du père au bercail, sous la houlette du prêtre et du
vieux Japonais ostracisé, Pepper va aller jusqu’à se croire responsable de la fin
de la guerre (le nom de code de la bombe atomique à Hiroshima étant
« Little Boy »). Il va surtout apprendre la pratique des vertus qui
fondent la foi.
J’ai été voir ce joli conte familial avec ma fille de 9 ans
et nous avons tous les deux beaucoup aimé. Par sa fraîcheur, sa naïveté assumée
et son point de vue chrétien, Little Boy se démarque nettement de la production
actuelle pléthorique de films pour enfants. Il m’a rappelé un autre film
américain sorti il y a quelques mois, avec un héros très pur, et dont l’action
se déroulait à la même période : Hacksaw Ridge (Tu ne tueras point) de Mel
Gibson. Faut-il remonter à cette époque pour instaurer la vraisemblance de
personnages clairement chrétiens dans une histoire dénuée de cynisme ?
En tous cas, Little Boy est un film émouvant, qui présente
avec simplicité et fantaisie les tâtonnements de la foi connus par beaucoup d’enfants.
Je me souviens avoir été frappé à la messe, comme Pepper, par ce passage de
l’Evangile de Matthieu[2] :
« Car, je vous le dis en vérité, si vous avez de la foi comme un grain de
sénevé, vous direz à cette montagne : Déplace-toi d'ici à là, et elle se
déplacera, et rien ne vous sera impossible. » Et de tenter incontinent de
déplacer un objet dans l’église !…
Plus profondément, cette histoire montre que la foi, comme
la croix, engage l’être dans deux dimensions indissociables : verticale et
horizontale. Hier soir, en regardant le film du cinéaste israélien Amos Gitaï Le
Dernier jour d'Yitzhak Rabin (2015), qui revient sur l’assassinat de cet homme
de paix par un fanatique juif ultra-orthodoxe, il m’est apparu évident que
c’est la relation à l’autre, au prochain, qui constitue l’épreuve de vérité de
la foi : il ne peut y avoir d’authentique relation au Dieu d’Amour et à ses
Amis du Ciel si l’on est dans la haine (et a fortiori dans la violence
meurtrière). C’est ce qu’apprend le petit garçon de Little Boy.
Au plan formel, Little Boy tient modestement la route,
malgré un scénario parfois un peu poussif. Le réalisateur mexicain Alejandro
Monteverde a donné à ses images une patine mordorée, une luminosité originale
et cohérente avec l’univers et le ton de son film.
J’apprécie aussi particulièrement le choix d’Emily Watson
dans le rôle de la mère de Pepper. Cette actrice britannique était devenue
soudainement célèbre en 1996, pour son rôle dans Breaking the Waves, le film de
Lars von Trier qui avait obtenu le Grand prix du jury à Cannes. Elle y jouait
une jeune fille naïve et pieuse, qui se marie à un homme d'âge mûr travaillant
sur une plate-forme pétrolière. Suite à un accident de travail, il est paralysé
et entraîne sa jeune épouse dans une relation perverse où elle devient une
sorte de victime sacrificielle. Vingt ans plus tard, voilà l’actrice dans un
film beaucoup moins prétentieux artistiquement, mais beaucoup plus pertinent
spirituellement.
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