Du
mercredi 27 avril au dimanche 1er mai aura lieu au cinéma du Grütli à Genève la deuxième édition d’«Il était une foi», les
Rendez-vous cinéma de l’Eglise Catholique Romaine de Genève. Au programme : « 16
films, des débats et des belles occasions de rencontre »…
Gérald
Morin, qui fut pendant 15 ans l’assistant de Fellini, fait partie du comité responsable de la programmation. Il explique les
choix de cette édition présentée sous le titre de « Trouble » : « Après
avoir axé la programmation l’année dernière sur la période du Moyen Age, l’idée
est de proposer une réflexion, à partir du cinéma, sur la situation de la
religion catholique dans nos sociétés civiles : ce qu’elle apporte ; comment
elle est vécue de l’intérieur ; les limites de l’institution quand elle est liée
au pouvoir etc… ». Une situation qualifiée globalement de « trouble ».
Ce
trouble relèverait en particulier de la position solitaire du prêtre face à la
société : que ce soit la solitude des jeunes prêtres envoyés dans les villages
il y a un siècle (Journal d’un curé de campagne, cf photo ci-dessus) ou dans les paroisses urbaines
de nos sociétés sécularisées (la série Ainsi soient-ils) ; ou la solitude de
ceux qui quittent un environnement « confortable » pour des déserts
spirituels (La Messe est finie). « Quand il retourne en ville, le prêtre
doit réinventer une manière de communiquer l’indicible, l’atemporel. Ce qui est
devenu difficile dans nos sociétés régies par l’argent et mues par le rendement
immédiat » remarque Gérald Morin, pour qui, plus généralement,
toute vision empreinte de transcendance est aujourd’hui de facto une « vision
trouble » car « politiquement incorrecte ».
Et
lorsque le religieux vit en congrégation, c’est la paix de la vie en clôture qui peut être «troublée» quand l’environnement
devient carrément hostile : les révolutionnaires français (Le dialogue des Carmélites) ou les islamistes algériens (Des hommes
et des dieux).
« Trouble » encore est la « zone », ce lieu mystérieux où se dirigent l’écrivain et le scientifique guidés par le
Stalker, dans un monde futuriste agonisant (cf photo).
Pour
Gérald Morin, « les grands auteurs choisis, croyants ou pas, ont
une certaine vision de l’humanité » ; vision selon laquelle le
cheminement existentiel ne serait pas un long fleuve tranquille en présence du
Sauveur, mais passerait par des longs tunnels de doute et de solitude. Ainsi à la
solitude papale dans les palais du Vatican (Habemus Papam) répondrait celle de
l’enfance outragée au fin fond d’un petit village français (Mouchette)…
Il
était une foi présente des grands films qui conjuguent puissance artistique et
souffle spirituel. Parmi eux se détachent
pour moi trois chefs-d’œuvre : Le journal d’un curé de campagne (1951) du
catholique français Robert Bresson, une adaptation
du roman de Georges Bernanos qui hausse le septième art au niveau de la grande
littérature et offre une des plus belles scènes de confession jamais réalisées
; Ordet (1955) du protestant danois Carl Theodor Dreyer, avec la scène de
miracle la plus bouleversante de l’histoire du cinéma (cf photo ci-dessus) ; Stalker (1979) de l’orthodoxe
russe Andreï Tarkovski, trip hallucinatoire travaillé par les questions du désir, de
l’espoir et de la croyance dans un monde techniciste. Ces trois films et
leurs auteurs géniaux sont en quelque sorte des incontournables du cinéma chrétien.
Signalons encore deux autres adaptations de Bernanos, diamants noirs d’un cinéma
de la foi, fort et tourmenté : Mouchette (1967) de Robert Bresson et Sous le
soleil de Satan de Maurice Pialat (1987), avec Gérard Depardieu, Sandrine
Bonnaire et Pialat lui-même.
La
sélection propose également des films très mineurs, qui n’ont pas les qualités
artistiques et spirituelles précitées. Si aucun ne relève d’un cinéma évangélisateur,
du type « catho neuneu », on y trouve en revanche des productions à message
anti-catho, de facture « neuneu » ; comme la série française Ainsi
soient-ils, à laquelle le festival consacre une journée entière en en
diffusant la troisième saison. Trop écrite, et par
des auteurs qui manifestement ne connaissent pas l’Eglise catholique (« Ainsi
ne sont-ils pas » auraient été un titre plus
idoine), pourvue d’un casting révélateur (Jean-Luc Bideau en prêtre…), mal
interprétée, cette série m’évoque les propos de Jean Collet : « celui
qui écrit la trame d’un film à venir.
Que cherche-t-il ? Les choses ou l’âme des choses ? Les choses, la matière à faire
un bon film, ou la profondeur secrète de n’importe quelle chose ? A ce stade où l’œuvre s’ébauche, c’est ce choix qui révèle la spiritualité de l’acte créateur. Ou l’absence de spiritualité. »[1]
Il
était une foi offre aussi deux très bons films d’animation, lors de séances
matinales à destination d’un public scolaire ou familial : Persepolis (2007),
inspiré de la bande-dessiné autobiographique de l’iranienne Marjane Satrapi, et
Kirikou et la sorcière (1998) le premier long-métrage de Michel Ocelot, dont l’œuvre
à la ligne pure, aux couleurs somptueuses et aux personnages attachants, sert
un message toujours humaniste.
Enfin,
« une semaine avant le festival, précise encore Gérald Morin, il
y aura des projections en dehors du Grütli : dans une prison, un EMS[2] et un hôpital. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire