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mardi 21 mars 2023

Mars 2022 : "L'homme de Dieu" de Yolona Popovic

L’Homme de Dieu raconte l’histoire de Nektarios, un saint de l’Eglise grecque orthodoxe, qui a rejoint Dieu il y a un siècle. Le film commence alors qu’il est archevêque en Egypte. L’affection et l’admiration que lui porte le peuple génèrent jalousie et médisance autour de lui : certains membres du patriarcat, craignant qu’il ne devienne le prochain patriarche d’Alexandrie, le calomnient en prétendant qu’il cherche à s’emparer du trône patriarcal. Chassé d’Égypte, il
s’embarque pour Athènes où il se retrouve seul, dans la misère, ignoré ou méprisé. Prédicateur, auteur de nombreux ouvrages, il est nommé directeur d’une école ecclésiastique, puis se retire à Égine avec un groupe de jeunes moniales. Ils reconstruisent un monastère en ruines, qui n’est jamais reconnu. Épuisé, malade, Nektarios est encore injustement accusé par sa hiérarchie de conduites immorales avec les sœurs. Le récit de L’Homme de Dieu suit ainsi le fil rouge des injustices que Nektarios traverse avec sainteté tout au long de sa vie.

 

Ayant passé deux étés sur l’île d’Égine (où ont été tournées certaines scènes du film), j’avais entendu parler de cette figure très populaire en Grèce et visité le magnifique monastère de la Trinité qu’il y a fondé. L’Homme de Dieu m’a permis de découvrir sa vie et, à travers les personnages qui l’entourent, de vivre l’expérience édifiante de la fréquentation d’un saint : un être à part, d’où affleure le 

Royaume de Dieu. Des scènes touchantes font ressentir l’intégrité d’un homme « doux et humble de cœur », bon et charitable. Peu prolixe, quand il parle à son prochain, c’est en voyant le meilleur en lui et en l’encourageant à se soucier de la vocation de son âme. Tous les hommes devraient se poser cette question, dit le saint moribond à l’homme avec qui il partage sa

chambre d’hôpital, un malheureux tombé d’une falaise et dont les membres inférieurs sont paralysés (Mickey Rourke). 

« Je ne comprends pas pourquoi Dieu ne m’a pas laissé mourir… Je ne comprends pas pourquoi.

- Il a un dessein pour toi, mon frère.

Un dessein ? Quel dessein ? Je ne peux rien faire… Je ne sais pas pourquoi je suis ici.

- Chacun d’entre nous devrait se poser cette question. Toi, tu es juste forcé de le faire.

Saint homme de Dieu… saint homme de Dieu, voulez-vous bien prier pour moi. »


Dans cette belle scène finale (comme dans d’autres scènes du film), le surnaturel - un miracle en l’occurrence - est amené avec discrétion, sans esbroufe. Les scènes de prières sont aussi justes et belles.

Avec une musique originale de grande tenue (composée par Zbigniew Preisner[1]), la participation de la musicienne Lisa Gerrard, à la voix envoûtante, un acteur

principal (Aris Servetalis) très souvent touchant et convaincant (pas facile d’incarner un saint !), on se prend à rêver de ce que le film aurait pu être si la mise en scène de Yolona Popovic avait été plus souvent à la hauteur de ses ambitions. Popovic est une réalisatrice serbe d’une quarantaine d’années qui a fait une carrière de mannequin puis d’actrice aux Etats-Unis. L’Homme de Dieu, qui est

son deuxième long-métrage, manque d’abord d’unité stylistique, dérivant parfois étrangement vers le conte. Popovic dit avoir visé un croisement improbable entre le Brothers des frères Coen et le Jésus de Nazareth de Zefirelli ! Mais surtout la réalisatrice n’arrive pas toujours à insuffler de la vie dans ses plans. Il faut dire que le choix de la langue anglaise n’a pas dû aider les
comédiens grecs. La prestation du comédien russe (Alexander Petrov, un acteur apparemment connu dans son pays) qui incarne Kostas, le fidèle assistant de Nektarios, gâche un peu certaines scènes. On peut enfin regretter que le scénario, qui insiste beaucoup sur les conflits et les injustices vécus avec humilité et patience par Nektarios, ne nous donne pas un accès, même succinct, aux prêches ou aux nombreux écrits de cet Homme de Dieu.


Malgré ces quelques réserves, je conseille la vision de ce film porté par la foi, qui nous offre le modèle salutaire d’un chrétien mettant en pratique l’enseignement exigeant du Maître, rappelé dans l’Évangile de ce dimanche : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient (…) Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. (Luc, 6, 27-38) »

[1] Compositeur polonais de musique de films, récompensé par deux fois par le César de la meilleure musique de film, en 1995, pour Trois couleurs : Rouge (le dernier volet de la trilogie de Krzysztof Kieślowski) et en 1996, pour Elisa de Jean Becker. 

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